Intérieurs du rituel : Approches, pratiques et représentation en arts
Je ne peins pas l'être. Je peins le passage : non un passage d'âge en autre ou, comme le dit le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute.
— Montaigne
Le rituel fait partie de ces notions transversales, aux contours fins et flous[1], dont la trajectoire intellectuelle n’apparaît jamais épuisée. La réactualisation du thème par Victor Turner, dans les années 1960, qui s’appuie sur la catégorie de « rites de passages » postulée par Arnold van Gennep au début du 20ème siècle[2], offre un exemple de la durabilité et de la flexibilité de son heuristique[3].
Les études de van Gennep témoignaient déjà elles-mêmes de la fécondité de la notion. De la typologie des rites magiques des sociétés dites primitives où l’étude du rituel tendait à se cantonner, van Gennep a déplacé la focale vers la prise en compte du mécanisme de transformation qu’ont en commun certains rites, tels la naissance, le mariage, les funérailles, etc. Le regroupement à l’intérieur d’un même schéma ternaire, débutant par un stade de séparation par rapport à l’état précédent le rituel, suivi par un autre de latence ou de marge, et se concluant par une agrégation du nouvel état acquis, visait alors à éclairer la fonction sociale qu’accomplit l’observation d’une séquence fixe en temps de crise. Cette étude posait à vrai dire la question de la forme : van Gennep montrait que non seulement le rituel tire son efficacité d’une mécanique singulière que l’on retrouve dans un ensemble de manifestations-types mais, tel un récit, il déploie une certaine trame de temps et d’espace, non sans engendrer au sein de la réalité des effets de doublure et de fiction qui articulent et facilitent le changement d’état.
Si, chez Turner, la résonance de cette étude se mesure de manière forte, ce n’est pas seulement par simple effet de continuité référentielle, mais parce que l’investissement conceptuel du second des trois stades postulés par van Gennep — la marge — a donné lieu à un véritable redéploiement interdisciplinaire renchérissant sur l’aspect formel du rituel. C’est en effet en puisant dans la sphère du théâtre, de la performance et des arts que Turner a donné sa pleine extension interprétative au concept de liminalité, forgé pour amener à un niveau théorique ce moment où le statut de la personne ou du groupe étudié est en voie de pivoter, cette « logique intervallaire », selon le terme de Claude Rivière[4].
Plasticité des zones liminales
De fait, Turner a consacré une part de son travail à rendre compte de la plasticité des zones liminales, au recours à des formes factieuses, subversives, susceptibles de mettre en tension sinon de renverser les logiques normatives, plutôt que de les maintenir en place. Il s’agissait non seulement de prendre acte de l’ensemble des codes sensoriels qui participent du phénomène rituel — « manual gesticulations, facial expressions, bodily postures, rapid, heavy, or light breathing, tears, at the individual level; stylized gestures, dance patterns, prescribed silences, synchronized movements such as marching, the moves and “plays” of games, sports, and rituals[5] » — mais, plus profondément, de tenter de les comprendre à partir de leur efficacité expressive et d’ouvrir à ce que l’on pense à nouveaux frais les relations chiasmatiques et dynamiques entre rituel et art, sociétés anciennes et post-industrielles, entre évènements politiques et forme dramatique, comme le relève le dramaturge Richard Schechner[6], ami et proche collaborateur de Turner.
De quoi est fait un rituel ? Quelles en sont les manifestations ? Quels liens entretient-il à la société, petite ou grande, dont il émane ? Quelle(s) forme(s) de temporalité et de spatialité génère ou mobilise-t-il ? Comme le soulignait Turner, l’étude des productions visuelles permet d’esquisser des pistes de réponse à ces questions, tout comme elles complexifient la matrice conceptuelle du rituel.
Aussi est-ce en vertu de son caractère plastique, protéiforme et actualisant que le thème du rituel a inspiré le thème du colloque Arts et médias en 2016. Servant de point d’observation tant pour les manifestations historiques que contemporaines, qui sont souvent maintenues dans une certaine distance les unes vis-à-vis des autres, le thème du rituel présente un potentiel rassembleur au regard de chercheurs issus du cinéma et de l’histoire de l’art, deux domaines d’étude que le colloque a la particularité de faire dialoguer entre eux.
Une oscillation féconde
Au-delà de l’intérêt patent que présentent toujours les travaux de Turner — ce dont atteste par exemple l’article d’Andréanne Pâquet qui en reprend l’armature pour étudier le visionnement au cinéma[7] —, c’est également la difficulté définitionnelle que le rituel pose, sa résistance à la typologie stricte, voire le foisonnement des approches qu’il a suscité, qui a retenu l’attention du comité scientifique lors du travail préalable de thématisation du colloque. Les études sur le rituel semblent osciller entre les perspectives méthodologiques de la brèche de structure, comme c’est le cas chez Turner, et du « cadre-analyse » que théorise Erving Goffman, qui rend compte des rituels dans la perspective de l’adaptation comportementale qu’ils induisent [8]; elles se déploient entre la fulgurance de la performance et le règlement rigoureux de la répétition; elles font tantôt état de l’intronisation dans l’espace-temps du sacré, tantôt de la survivance d’une ordonnance dans l’univers du profane.
L’anthropologue Nicole Sindzingre reporte pour sa part cet état oscillatoire de la méthode et des objets d’études entre ce que le rituel dit par opposition à ce qu’il fait[9]. Tandis que la première approche aura été plus attentive aux objets, aux fonctions symboliques, à la production de sens, la seconde a davantage mobilisé l’effort de recherche du côté de l’efficacité pragmatique des pratiques, en lui octroyant un rôle plus fluide. Or, ces deux grands axes font écho à des problématiques avec lesquels l’histoire de l’art et les études cinématographiques sont familières. Tout comme l’anthropologie, ces champs d’étude se confrontent à une forme de sectarisme méthodologique entre des approches plus attentives à ce qui constitue l’intérieur de la représentation (que l’on pense à l’iconographie ou la narration représentée à l’écran) et d’autres plus soucieuses de la performativité des images ou de leur agentivité (la question du média, de la réception, du pouvoir des images).
Le thème du rituel est apparu d’autant plus porteur qu’il instaure une porosité entre ces frontières théoriques et qu’il dynamise la méthode, en étant potentiellement versé à la processualité de ce que son phénomène recouvre, et en étayant la reprise de gestes à travers le temps. De cette façon, il n’est pas sans relayer des préoccupations historiographiques relatives à l’anthropologie de l’image, une mouvance interprétative qui octroie aux images des fonctions mémorielle et performative, qu’elles soient fixes ou en mouvement[10]. Teintée du retour vers l’approche d’Aby Warburg, cette mouvance s’intéresse de surcroît aux images en tant qu’elles véhiculent du mouvement : de l’impulsion qui prévaut à leur création, à ce qu’elles provoquent de collusion chez le spectateur qui les accueille, en passant par les trajets migratoires qu’elles fraient et le rapport aux médias qui articulent leur passage[11].
Mouvements
Les articles réunis dans ce dossier attestent de la multitude des mouvements induits par le rituel, que ce soit à l’échelle microscopique du quotidien ou à celle, plus grande, de la répétition dans l’histoire, allant du côté du spectateur comme de celui du créateur. Ils s’organisent selon trois axes à l’intérieur desquels le lecteur observera certains recoupements : la représentation de la sexualité au cinéma, l’analyse de la parcourabilité dans les rituels anciens et la répétition en tant que temporalité liée à l’expérience du quotidien.
Sous le prisme de l’archaïsme, les propositions de Marie-Ève Laurin et d’Éric Falardeau s’intéressent à des phénomènes de transe, en interrogeant leur représentation cinématographique à l’aune de l’étrangeté et de la subversion des pratiques sexuelles. Dans une perspective ethnocritique, Marie-Ève Laurin (« Quand homosexualité rime avec fécondité : le rite napolitain de la figliata dei femminielli dans le film La Pelle (1981) de Liliana Cavani, adapté du roman (1949) de Curzio Malaparte ») se penche sur le rite de la figliata dei femminielli, issu de la culture populaire napolitaine. Ce rite met en scène la figure du femminiello, homosexuel travesti et efféminé, au moment où il accouche de sa progéniture, la figliata. Décrit dans le roman de Curzio Malaparte, La Pelle (1949), le rite se retrouve par la suite au cœur de l’adaptation cinématographique que Liviana Cavani consacre au roman, en 1982. Marie-Ève Laurin s’attache à décrire comment la monstration festive et baroque du rituel dans le film de Cavani est exemplaire d’« une vie sur le seuil », « la vita sull’uscio », selon l’expression d’Eugenio Zito et de Paolo Valerio que cite l’auteure, du fait qu’elle se loge entre l’espace intime du logis et les ruelles du quartier. Cette vie du seuil, que l’on peut mettre en parallèle avec le concept de liminalité, met en scène l’enchevêtrement des figures du masculin et du féminin, de l’ancien et du moderne, un réseau d’oppositions à laquelle le contexte d’occupation par les troupes américaines de Naples pendant la deuxième guerre mondiale offre une autre résonance catégorielle et formelle. Le rite de la figliata dei femminielli amorce dans cet article un questionnement où l’altérité se joue du côté de l’histoire culturelle, en proposant un cadre théorique qui prend ses distances avec les questions contemporaines des études sur le genre.
S’éloignant également de l’approche identitaire, Éric Falardeau (« Transes extatiques : la pornographie cinématographique comme rituel ») propose de relever les différents niveaux où se nouent des similitudes entre l’expérience rituelle et celle du film pornographique. Focalisant son analyse sur le film Behind The Green Door, d’Artie et de Jim Mitchell (1972), Falardeau conçoit la répétition inhérente au genre pornographique, et souvent envisagée dans ses limitations, comme le terrain où la transfiguration propre au rituel est à même de se réaliser. En s’appuyant sur les postulats de Mircea Eliade et d’Edgar Morin, l’auteur assimile le cinéma pornographique à une technique archaïque d’extase, l’expérience rituelle fusionnant avec celle du désir, à travers l’activation des composantes narratives et pragmatiques du film. Tout se passe ici comme si la fonction scopique à l’œuvre dans toute visualisation cinématographique se trouvait mise en exergue, condensée et intensifiée par la représentation de la sexualité. Cette façon d’innerver le regard est, pour Falardeau, un point de contact entre le cinéma pornographique et la transe, puisqu’elle offre la possibilité, comme le fait la transe chez Éliade, de voir un autre monde.
Des vertus chamaniques du film pornographique et de l’altérité culturelle du rôle endossé du femminiello, qui nous permettent de faire retour dans le temps vers l’empirisme archaïque tel que se maintenant au cinéma, nous nous déplaçons vers des articles qui, cette fois, interrogent des corpus d’étude plus anciens. Il est remarquable que les propositions en provenance de l’histoire de l’art dans le cadre de ce colloque dévient du fétichisme de l’objet privilégié par cette discipline et débordent vers le champ expérientiel. Dans cette perspective, Juan Luis Burke (« The Via Crucis of Puebla: The Ritual Architecture of an Imagined Jerusalem in New Spain ») considère le parcours de la Via Crucis élaboré dans la ville de Puebla, au Mexique, cité fondée en 1531 afin d’accueillir les colons espagnols. Reconduisant la topographie orthogonale du modèle de la Jérusalem céleste, la Via Crucis consiste en une recréation architecturale, à l’échelle urbaine, des stations du chemin de croix. Elle indexe l’origine divine de la ville mais, qui plus est, et c’est précisément ce sur quoi insiste l’auteur, elle offre aux croyants la possibilité de se rapprocher des affects christiques afférents aux épisodes de la Passion. En résonance avec la devotio moderna, l’actualisation du récit de la passion comme rituel collectif vécu dans l’espace de la ville met doublement l’accent sur la situation du spectateur comme lieu de transformation du rituel et sur l’architecture comme vecteur d’empathie.
Dans un même ordre d’idées, l’article de Dijana Omeragić Apostolski (« In Pursuit of Continuity: Queen Victoria’s Sequence at the Houses of Parliament in London, 1852-1886 ») s’intéresse au déroulement de la cérémonie d’ouverture du Parlement et au cadre architectural qui l’accueille, du temps du règne de la reine Victoria. Dans le contexte historique des transformations du palais de Westminster et de l’adoption progressive de la démocratie parlementaire, l’accomplissement de ce rituel permettait de renforcer le caractère généalogique de la monarchie et d’ainsi affirmer son pouvoir. Mais, au 19ème siècle, cet ancrage temporel misait moins sur la dimension cyclique et religieuse de l’appareil monarchique que sur l’historicisme ambiant, ce qui venait faciliter, selon l’hypothèse de l’auteure, l’instauration du concept de monarchie constitutionnelle. Comment la cérémonie et les édifices sollicités par ce rituel, qui s’élabore par le parcours, construisent un récit idéologique ? En mettant en tension le revival gothique, ainsi qu’en relevant les aspects de l’ordre et du décor des différentes stations qui se détachent de la tradition, l’auteure offre une réponse qui atteste des liens dynamiques que le rituel tisse entre politique et esthétique. Cette analyse rappelle de surcroit que le rituel se façonne spatialement mais, surtout, à travers le temps, se maintenant en négociant les régimes d’historicité auxquels il fait face.
Outre la trame temporelle macroscopique liée à des rituels perdurant dans le temps, la plasticité du rituel s’illustre également dans des enjeux temporels cette fois microscopiques. Les derniers articles de ce recueil d’actes déclinent tous diverses modalités de ritualité liées au quotidien et à l’espace de l’intime, en s’attachant à penser ses croisements avec le cinéma. Ils font ainsi valoir en quoi, et comment, le rituel et le cinéma s’affectent mutuellement — une question qui surgissait déjà, rappelons-le, dans l’essai de Falardeau.
L’article d’Emmanuel Falguières (« Le rituel en son lieu obscur, pratiques du film argentique ») aborde le rituel de l’ « intérieur », dans le double sens objectif et subjectif qui prévaut au génitif. De l’intérieur, d’une part, parce qu’il s’intéresse au cinéma depuis l’espace du laboratoire de développement argentique, tel que des pratiques récentes en ont réinvesti les procédures longtemps déléguées aux firmes commerciales. Et de l’intérieur, d’autre part, et surtout, parce que l’auteur révèle comment ce déplacement des gestes de la création vers un amont artisanal, témoigne d’un investissement affectif dans le cinéma d’Éric Steward et de Stan Brakage. Fournissant dans un premier temps quelques paramètres matériels et historiques qui permettent au lecteur de mieux saisir les étapes du travail en laboratoire argentique, l’auteur détaille par la suite les processus prévalant aux films Wake de Steward (2015) et Mothlight de Brackhage (1963), les inscrivant ainsi en filiation l’un avec l’autre, mais faisant également apparaître leur contretypie. Dans les deux cas, la dimension rituelle se déploie dans l’acte d’expérimenter à tâtons, en faisant se rencontrer les moyens du laboratoire et la matière de la vie à animer, que ce soit les cendres du père défunt devenus rayogrammes en mouvement (Wake) — ce qui relève en soi du rituel funéraire — ou les papillons de nuit de Brakhage qui se dissolvent sous l’effet de la lumière du projecteur. Ainsi, ces approches créatrices permettent de réintroduire du sens là où se déploie une certaine opacité affective. Aussi se produisent-elles, selon l’auteur, tels des rites de passage qui entrouvrent un espace liminal, dans l’aparté de la chambre noire chez Stewart ou chez Brakhage, dans la construction au grand jour d’« un moment de refus du monde qui l’entoure ».
L’affectation mutuelle du cinéma et de la répétition est très précisément posée par Christine Albert (« Ritualiser le quotidien (ou lorsque le quotidien devient rituel) : mise en scène des gestes et des mots dans The Day He Arrives (2011) et Right Now, Wrong Then (2015) d’Hong Sangsoo »), à travers l’analyse de deux films du coréen Hong Sang-Soo, The Day He Arrives (2011) et Right Now, Wrong Then (2015). Le cinéma d’Hong Sang-Soo marque une prédilection pour les mises en scènes qui déploient et explorent la répétition, que ce soit par l’entremise de situations (boire du soju avec des amis), de dialogues (entre une peintre et un cinéaste) et de gestes quotidiens. Ce faisant, la répétition rend ces figures quelque peu étrangères à elles-mêmes. Christine Albert se demande conséquemment comment la banalité des actions de la vie réagit à la réitération interposée par l’écriture cinématographique. Son analyse met en évidence que la dimension tautologique qu’instille la répétition narrative tend à vider les rituels quotidiens de leur dimension potentiellement symbolique. Inversement, le travail cinématographique tend aussi, selon elle, à ritualiser toutes les micro-actions de la vie courante. En agençant ainsi l’action banale des gestes et des dialogues de ses protagonistes, le cinéaste, selon Albert, profite de l’aspect protocolaire du rituel, de son ordre restrictif, pour en faire « une forme qui serait plus musicale que littérale, plus abstraite que figurative ». Nous retrouvons ici tout à fait accomplie la question de la dimension formelle du rituel à laquelle engageait le travail d’Arnold von Gennep.
Avec une réflexion soutenue portant sur le film Port of Memory (2009) du cinéaste Kamal Aljafari (« Le rituel contre l’oubli : une archéologie du quotidien dans Port Of Memory de Kamal Aljafari »), Nour Ouyada fait apparaître en clôture une autre façon de consacrer une forme de banalité au cinéma, lorsque le film agit comme réceptacle mémoriel. Le film prend pour point de départ l’ordre d’éviction de la famille du cinéaste de sa maison de Jaffa, en partie liée à la perte des documents légaux par l’avocat de la famille et, plus largement, aux actes d’oblitération de la mémoire palestinienne par Israël. En guise de résistance contre cette politique d’effacement, le cinéaste se met à filmer les gestes quotidiens des membres de la famille. Il forme ainsi une archive audio-visuelle dont il orchestre le montage en faisant se répéter les gestes montrés, sous une caméra rapprochée qui scrute et encadre. Ce faisant, soutient l’auteure, le cinéaste redonne de la portée à ces gestes, en leur octroyant un lieu d’appartenance où ils peuvent exister par-delà la réalité qui les contraint. Dans ce contexte politiquement chargé, Ouyada fait valoir au sens fort la qualité indicielle du cinéma, en jouant habilement sur les termes du « ça a été » de Barthes : le fait d’enregistrer les gestes de la famille au quotidien montre certes que ces actions, qui relèvent de l’espace intime, ont bel et bien eu lieu, mais leur mise en scène et monstration à l’écran par la répétition et les gros plans augmentent la valeur de l’énoncé barthien, dévoilant qu’ « ils ont été toujours là ».
Depuis son recul historique et sa situation en exergue de ce texte, la citation de Montaigne, explicitant une pratique rituelle d’écriture menée en marge du monde, fait écho à quelques étapes qui se sont produites depuis les toutes premières réunions du comité scientifique où le thème du rituel a été discuté et à certaines des inflexions présentes dans ce dossier. Peindre le passage de minute en minute : tel pourrait en effet saisir un arc de pensée qui, d’une métaphore du passage liée à la peinture comme processus — qu’indique le verbe mis à l’infinitif — nous fait aboutir au fil de la lecture sur une temporalité plus resserrée, manifestée dans la précision de l’enregistrement filmique où se dissèquent des gestes quotidiens. Cette façon entrelacée de dire les choses capte le chevauchement inextricable entre formes et rituels, qui apparaît comme le noyau théorique de cette édition des actes du colloque Arts et médias.
Maude Trottier
Notes
- Comme le soulignent Martine Segalen, Rites et rituels contemporains, Paris, Armand Colin, 1998, et Albert Piette, l’une des difficultés du rituel —mais c’est également une marque de sa fécondité —, tient à ce qu’il peut s’appliquer à un ensemble de phénomènes hétérogènes que ce soit « la messe, le match de football, le lavage de sa moto ou le baiser matinal à sa secrétaire », générant par conséquent un problème définitionnel. « Pour une anthropologie comparée des rituels contemporains », Terrain, Anthropologie et sciences humaines, https://journals.openedition.org/terrain/3261 (consulté le 1er novembre 2018), para. 1.
- Les rites de passage, Paris : Éditions A. et J. Picard, 1981 [1901].
- Victor Witter Turner, The Ritual Process: Structure and Anti-Structure, Chicago, Aldine, 1969.
- Claude Rivière, « Structure et contre-structure dans les rites profanes », Segré M. (dir.), Mythes, rites et Signe, rituel, sacré, Paris, Le Seuil, 2004.
- From Ritual to Theater: The Human Seriousness of Play, New York City, Performing Arts Journal Publications, 1982, p. 9.
- Dans ce vidéo, Richard Schechner explique la notion de « liminal » en dressant une comparaison entre les accords du Lac Meech et la structure narrative de la pièce Roméo et Juliette, de Shakespeare, https ://www.youtube.com/watch?v=nmzMO72E7OQ (consultation le 11 novembre 2018).
- Andréanne Pâquet, « Un regard anthroplogique sur le rituel de la salle obscure », Cahiers du gerse L’expérience d’aller au cinéma, Charles Perraton (dir.), n° 5 automne, 2003, p. 45-62.
- Erving Goffman, Les rites d'interaction, trad. de l'anglais par Alain Kihm, coll. « Le sens commun », 1974.
- Nicole Sindzingre, « Rituel », Encyclopedia Universalis, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/rituel/ (consulté le 1er novembre 2018).
- Voir notamment, Hans Belting, Pour une anthropologie des images, Paris, 2004; Emmanuel Alloa (éd.), Penser l’image1 et II, Paris, Les presses du réel, 2011, 2015.
- Davantage, « [L]es images sont des médias au sens où elles ont pour fonction de médiatiser et d’impulser le mouvement culturel. », Karl Sierek, Images-oiseaux, Aby Warburg et la théorie des médias, trad. de l’allemand par Pierre Rush, Paris, Klincksieck, 2009, p. 17.
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Quand homosexualité rime avec fécondité : le rite napolitain de la figliata dei femminielli dans le film La Pelle (1981) de Liliana Cavani, adapté du roman (1949) de Curzio Malaparte
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Transes extatiques : la pornographie cinématographique comme rituel
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The Via Crucis of Puebla: The Ritual Architecture of an Imagined Jerusalem in New Spain
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In Pursuit of Continuity: Queen Victoria’s Sequence at the Houses of Parliament in London, 1852–1886
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Le rituel en son lieu obscur, pratiques du film argentique
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Ritualiser le quotidien (ou lorsque le quotidien devient rituel) : mise en scène des gestes et des mots dans The Day He Arrives (2011) et Right Now, Wrong Then (2015) d’Hong Sangsoo
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Le rituel contre l’oubli : une archéologie du quotidien dans Port Of Memory de Kamal Aljafari